Sciences et Biodiversité : acteurs, enjeux,
temporalités
Journée d’étude du 12 décembre 2014
Université Pierre et Marie Curie
Organisation et responsabilité : Alexandra Liarsou
Comité scientifique : Corinne Beck (Université de Valenciennes), Florent Kohler (Université de
Tours), Michel Kreutzer (Université de Nanterre), Christian Lévèque
(IRD, émérite), Yves Luginbühl (CNRS, Ladyss), Marie-Christine
Marinval (Université Paris 1), Pierre Pech (Université Paris 1), Bruno
Villalba (Agro-ParisTech)
Mode de restitution : publication papier
Pour toute demande de renseignement :
shs.biodiv.theorie.pratique@gmail.com
Quels
sont les rôles et statuts des sciences et des scientifiques face à l’enjeu
biodiversité ? Comment sont investis les champs de recherches que constituent
la biodiversité et les relations des sociétés à leur environnement, tant par
les Sciences de la vie et de la Terre que par les Sciences de l’homme et de la
société ?
En quoi les différentes échelles de temps en référence auxquelles travaillent les chercheurs jouent-elles un rôle primordial dans la façon dont les Sciences de la vie d’une part, les Sciences humaines d’autre part, appréhendent les interactions des sociétés à l’environnement et conçoivent la notion de « crise de biodiversité » ?
Depuis
les années 1990 et la Convention sur la diversité biologique de Rio, la notion
de perte de biodiversité fait partie des discours et des traités élaborés dans
le cadre du modèle économique dit durable. Au plan politique, les instances
internationales de décision (l’O.N.U notamment) émettent régulièrement, à
destination des États, des recommandations visant à promouvoir la mise en œuvre
de programmes d’action pour enrayer la perte de biodiversité. A l’occasion de
conférences mondiales (Sommets de la Terre), les pays participants, représentés
au niveau gouvernemental, signent des conventions par lesquelles ils s’engagent
à satisfaire l’objectif de lutter contre cette perte de biodiversité.
À
l’échelon de la France, une stratégie nationale pour la biodiversité a été
élaborée en 2004. Au plan institutionnel, le Ministère de l’écologie et du
développement durable a créé différentes structures destinées à la préservation
de la biodiversité : au niveau régional, les conservatoires, parcs et réserves
naturelles ; au niveau national, l’Observatoire de l’Agenda 21 (faisant suite à
la ratification du traité de Rio) et l’Observatoire de la biodiversité (faisant
suite au Grenelle de l’Environnement de 2007). Les pouvoirs publics ont également
mis en place des services déconcentrés, les Comités régionaux de biodiversité et
des établissements publics.
Des
universitaires et des chercheurs sont officiellement associés à la définition
de ces orientations politiques. Le Ministère de l’écologie et du développement
durable a institué un Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la
biodiversité. Par ailleurs, les scientifiques sont sollicités pour la
production de rapports sur l’état de la faune et de la flore de France, dans le
cadre de l’Inventaire national du patrimoine naturel, dont la responsabilité
scientifique revient au Muséum national d’histoire naturelle. Il convient
également de préciser que la majorité des études sur la conservation, la
restauration, la répartition de la faune et de la flore, ainsi que les suivis
démographiques, sont effectués par les ingénieurs et techniciens des instituts
et établissements publics, tels que l’IRSTEA, l’INRA et l’ONCFS. Enfin, des
groupements d’intérêts scientifiques ont vu le jour, comme l’Institut Français
de Biodiversité, né de la mise en application de la Stratégie nationale pour la
biodiversité, aujourd’hui remplacé par la Fondation pour la Biodiversité
(fondation de coopération scientifique).
Les
disciplines scientifiques concernées sont principalement issues des Sciences de
la vie et de la Terre. Elles ont essentiellement une fonction d’expertise
auprès des pouvoirs publics dans la lutte contre la perte de biodiversité. Leur
statut est d’ailleurs défini dans les textes qui sont au fondement des
politiques publiques conduites, telle la Convention sur la diversité
biologique.
Toutefois,
depuis plusieurs décennies, une grande partie des Sciences humaines et sociales
s’intéresse à la question environnementale et à la notion de perte de
biodiversité, dans le cadre de différents programmes de recherche, soutenus
notamment par le CNRS (programme Environnement, vie et sociétés). Les apports
et conclusions de ces champs disciplinaires semblent néanmoins largement
ignorés des instances décisionnaires et écartés des choix faits par l’État ou
par les Collectivités.
Axe
thématique 1 : Rôle(s) et statut(s) des sciences et des scientifiques face à
l’enjeu Biodiversité
Cet
axe thématique doit permettre de comprendre les rôles et statuts qui peuvent
être conférés aux différentes sciences autour de la notion de biodiversité et
de la question des interactions sociétés-environnement. Comment les sciences se
placent-elles en tant qu’acteur social ? Qui leur confère leur place ? Quelles
en sont les répercussions théoriques, pratiques et médiatiques ? Il s’agira de
mieux caractériser les façons dont sont investis les champs de recherches que
constituent la biodiversité et les relations des sociétés à leur environnement,
tant par les Sciences de la vie et de la Terre que par les Sciences de l’homme
et de la société. Seront également analysées les connexions pouvant exister
entre d’une part, les choix conceptuels et les positionnements épistémologiques
des différentes disciplines et, d’autre part, la dimension concrète de
l’activité de recherche.
Un
chercheur peut-il raisonner de la même manière s’il se positionne en expert de
la perte de biodiversité, tentant d’agir et de se conformer aux résolutions
prises par les États, ou s’il se positionne en théoricien de la notion
elle-même ? Cette question conduit à s’interroger sur les différentes
conceptions du fait que la biodiversité soit considérée comme en crise.
Axe
thématique 2 : Biodiversité : crise ou crises ?
Une
gestion de la biodiversité implique des objectifs et une action, lesquels
s’inscrivent dans un contexte historique, économique, politique, culturel etc.
Les pratiques ainsi mises en œuvre peuvent être objet d’étude pour les Sciences
humaines et sociales, au même titre que n’importe quel objet social. Les Sciences
humaines et sociales mettent en perspective les modalités d’action, engagées
par les politiques publiques et relayées par certains courants scientifiques.
Il conviendra ainsi de s’interroger sur les méthodes, les modes d’acquisition
des connaissances, les prémisses de raisonnement, la valeur et la portée des
conceptions produites par les Sciences de la vie et de la Terre ainsi que par
les Sciences humaines et sociales, concernant la façon dont la crise est
appréhendée. Dans cette optique, la temporalité sera privilégiée comme angle
d’approche pour caractériser les conceptions de crise de biodiversité, tant du
point de vue des définitions élaborées par les différentes sciences que de
celui des enjeux de toute nature qu’elles cristallisent. La conceptualisation
du temps joue en effet un rôle fondamental dans la construction de ces objets
sociaux et hérités que représentent la biodiversité et l’idée selon laquelle
elle est actuellement en crise. Les différentes échelles de temps (décennie,
millénaire, etc.), en référence auxquelles travaillent les chercheurs, jouent
également un rôle primordial dans la façon dont les Sciences de la vie d’une
part, les Sciences humaines d’autre part, appréhendent les interactions des
sociétés et de l’environnement et dont elles pensent les actions écologiques
envisageables. Seront donc privilégiées les contributions abordant sous cet
angle le concept de crise de la biodiversité.